Qu'est ce que l'expérience religieuse ? Une religion révélée à vocation universelle est-elle sujette au changement ? Comment l'Islam répond-il au défi de la modernité ? C'est à ces grandes questions de la sociologie que se mesurait Clifford Geertz en 1968. Les réponses qu'il apportait dans Observer l'Islam ont fait de ce livre un grand classique. Héritier de Max Weber, Clifford Geertz rompt pourtant avec la sociologie comparée des religions qui se complaît dans les classifications et les typologies. Rompant aussi nettement avec l'orientalisme, il se refuse à " observer " l'Islam comme une foi unique et le monde musulman comme un bloc homogène réfractaire à l'histoire. Ce que Clifford Geertz choisit finalement, c'est d'analyser la formation, dans le temps, de deux modalités de l'Islam - l'une en Indonésie, l'autre au Maroc -, de souligner les différences qui opposent les " styles religieux classiques " de ses deux sociétés, et d'en suivre les transformations depuis le XIXe siècle. Il montre ainsi comment ces évolutions ont produit des univers spirituels fort différents : au Maroc, la vision islamique implique l'activisme, le moralisme, l'individualisme ; en Indonésie, à l'inverse, elle met en avant l'esthétisme, l'intériorisation et une radicale dissolution de la personnalité. Par ce travail pionnier, il jetait les bases d'une anthropologie culturelle interprétative, qui a connu de grands développements aux Etats-Unis.