On sera sans doute déçu si l'on cherche au XVIIe siècle les prémisses d’une
éthique animale. Les « bêtes brutes », comme on les appelle alors, sont
exclues de la sphère des obligations, et pas seulement par quelques cartésiens
mécanistes. De nombreux auteurs soutiennent que les bêtes sentent, ou qu’elles
ont une âme qui n’est pas trop différente de la nôtre, ou encore qu’elles sont
dotées de raison, les prenant parfois même comme point de comparaison afin de
rabaisser l’orgueil humain. Nombreux sont ceux qui s’indignent de la cruauté à
leur égard, et d’autres vont jusqu’à leur reconnaître des droits. La diversité
des positions, des représentations et des arguments coïncide assez rarement
avec les accusations adressées de nos jours à l’âge classique. Tous ne sont
pas cartésiens, et la « théorie » de l’animal-machine est peut-être un petit
peu plus que l’effet d’un préjugé. Paradoxalement, les plus affranchis de tout
anthropocentrisme affirment radicalement l’absence de lien éthique avec les
bêtes. Lire ces œuvres d’un autre âge à l’aune d’une question qu’elles ne
pouvaient pas formuler permet d’inquiéter les évidences qui sont les nôtres,
et d’y trouver des ressources pour poser et résoudre des problèmes qui
n’étaient pas les leurs.