Lorsqu'un conquérant conscient de sa supériorité colonise un territoire, il ne
se sert pas seulement de la puissance des armes et des techniques. Il importe
et impose aussi un système de normes, de croyances et des formes d'expression
artistique pour asseoir un projet politique qui lui semble d'entrée de jeu
légitime. Située aux confins de l’histoire culturelle et de l’histoire des
arts, cette étude s’efforce d’ouvrir de nouvelles perspectives sur la création
artistique à l’époque baroque dans une Amérique Latine en voie de colonisation
par les Européens, en analysant plus particulièrement le contexte d’apparition
du syncrétisme religieux. À partir de l’étude minutieuse d’une sélection
d’œuvres produites entre le xvie et le xviiie siècle dans la région andine
(Pérou, Bolivie, Colombie, Équateur) et au Mexique, dans des domaines aussi
divers que la gravure, la peinture, la sculpture ou encore l’architecture, il
s’agit de montrer comment l’art du colonisateur intervient comme une instance
productrice de normes et de jugements de valeur dans l’espace ibéro-américain
indigène. Dans l’Amérique coloniale, le syncrétisme dont témoigne l’art des
premiers « créoles », autrement dit l’assimilation de nouveaux codes et leur
amalgame avec le substrat culturel existant, encourage la négation de
l’ancienne culture tout en procédant au recyclage d’anciens codes pour donner
naissance à des croyances et des formes artistiques nouvelles, un métissage
dont les conséquences, à la fois positives et négatives, se manifestent jusque
de nos jours.
Juan Carlos Baeza Soto est maître de conférences HDR à CY Cergy Paris
Université en histoire culturelle, histoire des représentations artistiques et
civilisation de l’Amérique Latine.